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Jésus, un bien de consommation ?

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Les églises doivent offrir des expériences d’adoration conçues pour satisfaire les besoins qu’elles perçoivent chez les gens, et veiller à leur confort. Si cette approche peut réussir à attirer une foule, habituellement elle n’arrive pas à susciter des disciples matures de Christ. L’accent est tout simplement à la mauvaise place : il est mis sur nous.

Auparavant, je pensais que le consumérisme et la religion n’avaient rien en commun. Étonnamment, il s’avère que nous pouvons consommer des produits et fréquenter une église pour les mêmes raisons !

Pensez-y. Des marques comme Apple et Gucci vendent beaucoup plus que des ordinateurs ou des vêtements. Elles donnent aussi un sens d’identité et d’appartenance. Peu importe que ce sentiment s’efface finalement dans une certaine mesure, nous achetons ces marques pour être à la mode. La commercialisation et le marquage transforment une simple paire de jeans en un symbole identitaire.

Prenez, par exemple, la campagne de publicité d’Apple du « Mac contre PC » qui a été lancée en 2006. Dans toutes ces publicités, on ne voit pas un seul ordinateur. Non, Mac et PC étaient représentés par des personnes en chair et en os, pour renforcer l’idée que nous sommes ce que nous achetons. Mac était branché, intelligent, et dans le vent. PC, par contre, était gauche, démodé, et légèrement en surpoids. Le message qui était assimilé ne pouvait être plus clair : les gens dans le vent achètent des Macs.

D’une certaine façon, nous n’achetons pas des produits par matérialisme, pour avoir plus de choses, mais pour gagner plus de sens. Ce sont des identités que nous consommons. Nous essayons de nous définir par les marques que nous choisissons. Martyn Percy a raison quand il déclare : « La menace que pose le consumérisme au christianisme n’est pas celle du matériel contre le spirituel. C’est plutôt une compétition entre des systèmes de sens et d’identification1. »

L’Église de consommation

Le consumérisme n’étant pas simplement du matérialisme, mais une mentalité omniprésente, cette vision du monde peut s’infiltrer dans l’Église. Inconsciemment, nous pouvons appliquer les règles du centre commercial à la façon dont nous menons les services d’église. Avez-vous réfléchi à quel genre d’église produirait cette vision axée sur les consommateurs ? Explorons-en cinq caractéristiques.

    1. Le client a toujours raison.

La première chose qu’un vendeur apprend c’est de satisfaire le client. Il faut qu’il soit content pour qu’il continue à acheter dans sa compagnie et non pas dans une autre. Les gens devraient se sentir aimés et accueillis dans une église, bien sûr, mais le désir de plaire à la congrégation ne devrait jamais supplanter celui de plaire à Dieu. Si cela devient le cas, nous en arriverons à prêcher des sermons agréables afin de conserver le statu quo et d’éviter de faire des vagues. Nous n’emploierons pas des mots comme responsabilité, péché, ou repentance.

Pourtant, le but de l’Évangile est de déranger. « Si, dit Oswald Chambers, par votre prédication vous me convainquez que je suis impie, je vous en veux. La prédication de l’Évangile soulève un intense ressentiment parce qu’elle doit me révéler que je suis impie ; mais elle réveille aussi des aspirations irrépressibles2. » On surfait le confort. Grandir entraîne toujours un certain degré d’inconfort. Peut-être que l’église devrait être un lieu où nous nous laissons interpeler, où nous apprenons à accepter l’inconfort.

    1. Résultats maximaux, investissement minimal

Pour les consommateurs, une bonne affaire consiste en un investissement minimal (de temps, d’argent, d’effort, etc.), et un retour maximal. Si nous appliquons ce concept à l’église, nous concevrons des services d’adoration qui exigeront aussi peu que possible de la congrégation. Les croyants ne seront que des spectateurs. Leonard Sweet appelle ce genre d’église, une église-parking. « Aux églises-parking, on y va en voiture car ce sont des endroits où les besoins des gens seront satisfaits en un temps record et avec un retour maximal d’exaltation religieuse3. »

Il semble paradoxal que Jésus dise aux personnes intéressées à le suivre de mesurer le coût que représente être disciple (Luc 14.25-33). Cela va à l’encontre même de la logique commerciale ; les marques devraient faciliter les choses pour leurs consommateurs. Jésus, lui, est extrêmement honnête. Son message est clair : « Le coût est élevé. » Et pourtant les gens venaient en foule pour écouter son enseignement…

    1. Retoucher le produit

Photoshop et d’autres logiciels de traitement d’image sont largement utilisés pour effacer tout défaut distinct chez un mannequin ou un produit, histoire de les rendre plus attrayants. De temps en temps, une révélation de Photoshop sera publiée dans la presse ou deviendra virale sur Internet. Les photos avant et après sont frappantes : elles sont complètement différentes. Si nous devions retoucher Jésus, quels aspects de sa personnalité effacerions-nous selon vous ? Sa finesse d’esprit ? Ou peut-être son mépris des stéréotypes comme les rôles limités à un sexe ?

« Quand l’évangélisation est remaniée pour devenir du recrutement, écrit Eugene Peterson, les stratégies de commercialisation pour rendre Jésus plus attrayant à la spiritualité d’un consommateur se mettent à proliférer. Les paroles ou les aspects de Jésus aux implications gênantes sont éliminées4. » Le problème de cette approche à la carte est qu’il est alors facile de diminuer Jésus, de le transformer en une divinité au format de poche et manipulable. Eugene Peterson dit vrai : « C’est de Jésus au complet dont nous avons besoin. De la totalité de Jésus. De tout ce qu’il a dit. De chaque détail qu’il a fait. »

    1. Faire prévaloir le style sur la substance

Dans une société de consommation, rien ne possède de valeur intrinsèque. C’est la raison pour laquelle il se vend des objets sans « réelle » valeur. EBay en est un parfait exemple. Des entrepreneurs ingénieux ont pu trouver sur ce site des preneurs pour une sonnette de porte usagée, un flocon de maïs avec une drôle de forme, et même du fumier de rhinocéros. En termes de commercialisation, ce n’est pas la substance qui compte mais le style ou l’expérience offerte. Pour les compagnies de commercialisation, quelle bonne nouvelle ! Pour l’Église, il est clair que la société s’est habituée à faire prévaloir le style ou l’expérience sur la substance.

On ne nie pas que le style et l’expérience d’adoration ont de l’importance. Par contre, une insistance exagérée sur ces deux seuls attributs nous fait perdre de vue la substance qu’est Jésus. Dans son livre The Divine Commodity, Skye Jethani écrit : « Dans le christianisme consumériste, notre inquiétude première n’est pas de savoir si les gens sont transformés pour refléter les valeurs contreculturelles du royaume de Dieu, mais s’ils sont satisfaits — satisfaction souvent mesurée par leur présence assidue et leurs dons5. » Quelle est la fonction essentielle de l’Évangile ? Nous sauver ou nous divertir ?

    1. Popularité égale succès et légitimité

La popularité n’est pas intrinsèquement mauvaise ou banale. Non, admirer et même imiter les accomplissements nobles ou remarquables de quelqu’un peut nous inspirer à devenir de meilleures personnes. Cependant, dans la culture consumériste, la gloire est souvent dépeinte comme détachée de la vertu. La célébrité est un but en soi plutôt qu’un sous-produit. De Facebook aux événements où l’on déroule le tapis rouge, nous devenons rapidement obsédés par l’auto-promotion et la célébrité. Être célèbre équivaut à avoir réussi. La popularité est le sceau ultime de l’approbation.

« Dans les dénominations d’antan, écrit l’expert en publicité James Twitchell, la croissance n’était pas une preuve de valeur, la stabilité l’était. » Aujourd’hui, cependant, « on cherche moins à conduire les gens à adorer qu’à leur donner une raison de venir et, ainsi, de grossir le nombre de membres6 ». Comme le monde autour de nous, nous semblons croire que si l’on attire une foule, nous faisons du bon travail. Jésus n’était pas impressionné par les foules. Il a même repris ceux qui le suivaient pour les mauvaises raisons (Jean 6.26, 27). Certes, nous avons reçu le mandat d’apporter l’Évangile au monde entier, mais ce n’est pas la grosseur de la foule que nous attirons qui donne à notre travail sa légitimité. La légitimité vient de celui qui nous a appelés. Nous pouvons être aussi impopulaires que Jérémie, et malgré tout répondre à l’appel qui nous a été fait.

De la pertinence culturelle

Comment une église peut-elle résister à la tentation de devenir un produit de base et, en même temps, rester culturellement pertinente ? Mais d’abord, que veut dire être culturellement pertinent ?

Une des postulats derrière l’idée de pertinence culturelle est qu’à moins que nous donnions aux consommateurs religieux quelque chose qu’ils considèrent comme ayant de la valeur, ils iront faire leurs courses ailleurs. Ainsi pour les attirer, les églises doivent être orientées vers les clients. Les églises doivent offrir des expériences d’adoration conçues pour satisfaire les besoins qu’elles perçoivent chez les gens et veiller à leur confort.

Si cette approche peut réussir à attirer une foule, habituellement elle n’arrive pas à susciter des disciples matures de Christ. L’accent est tout simplement mis à la mauvaise place : il est mis sur nous.

Le consumérisme a tendance à infantiliser les gens, parce que le consommateur « idéal » a la capacité d’un adulte de dépenser, mais l’incapacité d’un enfant à reporter la satisfaction et le narcissisme. Comme le fait remarquer Skye Jethani : « Croire que l’emploi de méthodes axées sur les consommateurs dans une église produira des chrétiens matures est aussi délirant que de s’attendre à ce qu’un chien sorte d’un œuf de poule7. »

Ironiquement, quand nous transformons l’Évangile en un produit à utiliser pour la satisfaction personnelle et l’auto-réalisation des consommateurs religieux, nous renions sa pertinence culturelle. Nous invalidons sa capacité de contester les préjugés sociaux et de fournir un paradigme alternatif alors que l’Évangile non frelaté est contreculturel. Les pharisiens voulaient tuer Jésus parce que sa vie et ses idées menaçaient les valeurs de base de leur société.

À brouiller les lignes de démarcation entre l’adoration et le divertissement, on ne rend pas une église culturellement pertinente. En fait, cela tend à créer des spectateurs religieux insignifiants. Si nous voulons rester culturellement pertinents, il faut cesser de penser à l’adoration dans une perspective utilitaire, transactionnelle, et protester contre la culture qui règne actuellement, une culture de divertissement et d’égocentrisme. L’adoration n’est pas du marketing. Nous ne sommes pas au cœur de l’adoration, c’est Dieu qui l’est. Il ne s’agit pas avant tout de ce que nous recevons, mais de qui nous honorons.

Nous pouvons utiliser différents styles de musique, différents genres de lieux, et même différentes approches culturelles. Pourtant, l’adoration véritable commence quand nous nous perdons en Jésus, l’unique Magnifique. « Et moi, quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai tous les hommes à moi8. »

 

Vanesa Pizzuto (maîtrise de l’Université de Hertfordshire, Royaume Uni) est la gestionnaire du programme d’échange à la Stanborough School à Watford, au Royaume Uni. Son courriel : vpizzuto@spsch.org

Cet article a été publié pour la première fois dans la revue Signs of the Times. Utilisé avec son autorisation.

Source : http://dialogue.adventist.org/fr/2169/jesus-un-bien-de-consommation

RÉFÉRENCES

  1. Martyn Percy, “Cultural change and consumerism: Contemporary churchgoing in perspective,” Gersham College Lectures (May 3, 2005): http://www.gresham.ac.uk/lectures-and-events/cultural-change-and-consumerism-contemporary-churchgoing-in-perspective. Consulté le 25 novembre 2015.
  2. Oswald Chambers, My Utmost for His Highest (Ulrichsville, Ohio: Barbour Publishing, Inc., 1963), dévotion du 1 Septembre.
  3. Leonard Sweet, I AM A FOLLOWER: The Way, Truth, and Life of Following Jesus (Nashville, Tenn.: Thomas Nelson, 2012), p. 82.
  4. Mark Galli, Jesus Mean and Wild: The Unexpected Love of an Untamable God (Grand Rapids, Mich.: Baker Books, 2008), préface.
  5. Skye Jethani, The Divine Commodity: Discovering a Faith Beyond Consumer Christianity (Grand Rapids, Mich.: Zondervan, 2009), p. 126.
  6. James B. Twitchell, Shopping for God: How Christianity Went From in Your Heart to in Your Face(New York: Simon & Schuster, 2007), p. 282.
  7. Jethani, The Divine Commodity, op. cit., p. 111.
  8. Jean 12.32. Tous les textes cités sont tirés de la Nouvelle Bible Segond (NBS), 2002.
L’UNION EUROPÉENNE TRANCHE SUR LES SIGNES RELIGIEUX AU TRAVAIL
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