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Questions éthiques relatives au service militaire

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Les conditions du service militaire varient selon les pays, et chaque situation personnelle est différente, mais toute décision dans ce domaine devrait être prise selon la perspective biblique.

Les adventistes du septième jour devraient-ils s’engager volontairement dans l’armée ? Pouvez-vous envisager faire une carrière militaire ? Les jeunes adventistes sont de plus en plus souvent confrontés à ces questions. C’est un sujet d’autant plus complexe que la position de chacun d’entre nous concernant l’armée et la participation à des faits de guerre est inévitablement influencée par la culture dans laquelle nous avons grandi1.

De nombreuses personnes qui s’engagent dans l’armée le font pour des motivations nobles comme, par exemple, protéger leur famille et leur pays, vaincre des agresseurs et des ennemis, assurer la paix, etc. Cependant, il est important de garder à l’esprit le fait qu’aucun pays n’agit de façon purement bonne et désintéressée. Certes, le désir de participer à une grande cause est tout à fait louable, mais les chrétiens doivent avoir conscience que tous les pays aspirent à défendre leurs propres intérêts, bien souvent aux dépens des intérêts d’autres nations. Par conséquent, le service militaire pose un certain nombre de problèmes éthiques majeurs. Par exemple, il est probable qu’un soldat sera contraint d’accepter de se battre et d’avoir recours à la violence pour des raisons qui ne sont pas entièrement bonnes ou qui ne sont pas en harmonie avec la Parole de Dieu. Ce problème est plus complexe encore quand il pose des défis éthiques relatifs à des sentiments de nationalisme et de patriotisme. Les conditions du service militaire varient selon les pays, et chaque situation personnelle est différente, mais toute décision dans ce domaine devrait être prise selon la perspective biblique. Bien souvent, dans le domaine du service militaire et du port des armes ainsi que concernant la nature des conflits militaires et la guerre, les chrétiens sont confrontés à un dilemme éthique et moral difficile à résoudre2.

Les adventistes du septième jour sont des citoyens et, en tant que tels, ils possèdent un passeport, ils doivent respecter les lois et sont invités à reconnaître l’autorité des dirigeants humains. Cependant, nous sommes avant tout citoyens du ciel, et cette identité dépasse la notion de frontière. L’apôtre Pierre nous rappelle ce que nous sommes appelés à faire quand nous sommes confrontés à des conflits d’intérêts : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’à des humains. » (Actes 5.29)3 En tant qu’adventistes du septième jour, nous sommes avant tout filles et fils de Dieu. Nous devons faire preuve de loyauté vis-à-vis de notre Seigneur et être fidèles aux valeurs de son royaume de paix. Notre identité chrétienne d’enfants de Dieu est plus importante que notre origine ethnique et culturelle. C’est donc notre allégeance qui est en question.

 

NOTRE ALLÉGEANCE

Avant de décider si nous voulons nous engager volontairement dans l’armée, nous devons en faire un sujet de prière et nous poser les questions suivantes : Envers qui voulons-nous faire preuve de loyauté ? Vis-à-vis d’un pays en particulier et de ses dirigeants militaires ? Ou vis-à-vis de Dieu et de sa Parole écrite ? Envers qui voulons-nous prêter allégeance ? Un pays, l’armée, Dieu ? Les valeurs du royaume de Dieu sont-elles compatibles avec les intérêts de mon pays et les valeurs de l’armée ?

Il est difficile de respecter les commandements de Dieu tout en étant obligé de suivre des ordres qui ne sont pas en harmonie avec ces commandements. Nous sommes donc tous confrontés à ces questions : Qu’est-ce qui est le plus important dans notre vie ? Dans quel domaine refusons-nous de renoncer à certaines choses ou de faire des compromis quelles que soient les circonstances ? En gardant ces questions à l’esprit, réfléchissons à certains aspects du service militaire qui posent de sérieux problèmes éthiques en lien avec l’allégeance du chrétien.

 

UN SERMENT D’ALLÉGEANCE

S’engager dans l’armée implique de prêter allégeance, dans quelque pays ou armée que ce soit. Les soldats prêtent serment vis-à-vis du chef de la nation et/ou s’engagent à obéir aux ordres de leurs supérieurs hiérarchiques, et non à ceux de Dieu. Toute personne qui s’engage dans l’armée accepte de suivre les ordres militaires et légaux qui lui sont donnés sans se poser de question, et doit agir ainsi tout au long de sa carrière militaire.

Entre autres choses, les soldats promettent de se battre pour leur pays et de le défendre, et ils acceptent d’utiliser des armes pour cela. Ils doivent être prêts à tuer l’ennemi. Ils doivent également accomplir leurs tâches militaires consciencieusement, accepter de se déployer, de s’engager dans le combat et de détruire l’ennemi. Il est difficile de concilier cet engagement militaire avec l’engagement baptismal de l’Église adventiste, car les objectifs sont radicalement différents. Ce dilemme éthique pose un certain nombre de questions liées à ce qu’est réellement l’Église.

 

LA NATURE DE L’ÉGLISE ET DU SERVICE MILITAIRE

L’Église adventiste du septième jour est une Église mondiale composée d’hommes et de femmes de toutes nations, de toutes langues et de toutes tribus. Si les chrétiens, y compris les adventistes, choisissent de servir dans l’armée du pays auquel ils appartiennent, ils peuvent être amenés à tirer et à tuer d’autres chrétiens et d’autres adventistes du septième jour. Ceci se vérifie particulièrement dans les guerres modernes, où les populations civiles sont souvent les victimes collatérales des frappes militaires. De nombreux habitants des pays en guerre sont blessés ou tués lors des attaques. Comment peut-on assumer la responsabilité morale de participer à des opérations militaires souvent imprévisibles et qui font presque inévitablement des victimes innocentes et des blessés lors des combats, parmi lesquels on compte peut-être des chrétiens ? De plus, notre Église peut-elle être crédible dans la mission qu’elle exerce, du fait que nous prêchons le message de l’amour de Dieu et un message de réconciliation ? Un soldat n’agit-il pas de façon totalement contraire à ce message en participant à des actes de destruction et de mort ? Dans quelle mesure le message et la mission de l’Église chrétienne sont-ils compatibles avec la violence et la mort qui sont nécessairement associées à la guerre ? Cette question pose le problème de la sainteté de toute vie humaine.

 

LE CARACTÈRE SACRÉ DE TOUTE VIE HUMAINE

Le fait de servir dans l’armée pose aux chrétiens un sérieux problème lié au caractère sacré et à la dignité de la vie humaine. Si tous les êtres humains sont créés à l’image de Dieu et revêtent donc une dignité toute particulière, com- ment peut-on envisager se former dans le but d’ôter la vie ? Comment un chrétien peut-il s’engager dans une activité visant à blesser et à tuer des hommes et des femmes qui sont aimés par Dieu ? Comment un être humain peut-il suivre Jésus et obéir à ses commandements nous demandant d’aimer nos ennemis et de bénir ceux qui nous maudissent (Matthieu 5.44 ; Luc 6.28) tout en se formant activement à éliminer ses ennemis et à les détruire ? Comment les chrétiens peuvent-ils suivre l’exemple donné par Jésus et faire du bien à ceux qui les haïssent (Luc 6.27,35) tout en disposant de la capacité à pousser sur un bouton pouvant déclencher l’envoi d’un missile mortel ou d’une bombe puissante dans le but d’ôter la vie et de détruire les biens d’autrui ? Les adventistes sont appelés à être des disciples du Christ et donc à semer la paix en s’inspirant de son exemple. Cela signifie œuvrer pour promouvoir la paix et le pardon plutôt que pour mener des guerres, faire preuve de violence et assouvir un désir de vengeance.

Suivre les pas de Jésus signifie accepter de souffrir – parfois jusqu’à la mort – au nom du Christ plutôt que de s’engager dans une organisation occasionnant des souffrances à autrui et faisant mourir des êtres humains. Les chrétiens sont invités à s’inspirer des méthodes du Christ et à ne pas participer à des actes de guerre. Être à l’image du Christ signifie aimer ses ennemis. Ceci ne peut se faire en tenant une arme en main et en ayant la mentalité et l’état d’esprit d’un guerrier.

 

INCOMPATIBILITÉ AVEC LA LOI DE DIEU

Les personnes qui pensent à s’engager dans l’armée doivent être conscientes que le serment d’allégeance militaire est incompatible avec le désir de respecter la loi immuable de Dieu selon laquelle, notamment, nous ne devons pas tuer notre prochain (voir Exode 20.13 ; Deutéronome 5.17)4. Un soldat se forme au port d’armes dans le but très clair d’ôter la vie à autrui. Lors des guerres, le sang coule et des personnes meurent et, par conséquent, l’esprit de la guerre n’est pas l’esprit de Dieu. La Bible nous demande de respecter et d’aimer notre prochain ; ainsi, les adventistes du septième jour ne devraient pas participer à des actions violentes destinées à ôter délibérément la vie à autrui.

Généralement, les guerres sont une violation des commandements de Dieu, comme le huitième : « Tu ne commettras pas de vol » (Exode 20.15), ou le dixième : « Tu ne convoiteras pas » (Exode 20.17). Or, le vol et la convoitise sont généralement la cause principale des conflits armés ou des guerres.

Les guerres ne sont donc pas compatibles avec les commandements cités ci-dessus. De plus, un autre commandement a un sens tout particulier pour les adventistes du septième jour, le quatrième commandement : « Souviens-toi du sabbat, pour en faire un jour sacré. » (Exode 20.8)

Le service militaire sous toutes ses formes entre inévitablement en conflit avec le commandement de Dieu sur la sainteté du sabbat. Il est très difficile pour ceux qui s’engagent dans l’armée de respecter le sabbat et d’en faire un jour sacré, comme Dieu le souhaite5. Dans l’armée, le droit d’adorer Dieu un jour précis de la semaine n’existe pas. De plus, au cours de la formation initiale, il est absolument impossible d’éviter de participer aux exercices militaires le sabbat. Les sessions de formation durent au moins dix jours consécutifs6, ce qui a un impact sur l’observation du sabbat. En temps de guerre ou de conflit militaire, cette difficulté augmente car l’action militaire ne cesse pas le sabbat.

S’engager dans l’armée pose également un certain nombre de problèmes concernant d’autres commandements bibliques comme celui qui concerne la nourriture pure et impure (voir Lévitique 11 et Deutéronome 14.1-21). Ce commandement est particulièrement difficile à observer durant les actions militaires, car la nourriture est alors peu abondante et limitée.

 

LE MODE DE VIE DE L’ARMÉE

Tous ceux qui travaillent dans l’armée sont confrontés à d’autres problèmes éthiques liés au mode de vie. On peut notamment citer certaines pratiques qui peuvent inciter les soldats à avoir une vie spirituelle quotidienne moins intense, ou le fait de se former à porter et à utiliser des armes dans le but de faire du mal à autrui. En effet, le mode de vie des personnes qui travaillent dans l’armée est très éloigné de l’idéal biblique, voire même en contradiction avec cet idéal. De plus, les valeurs mises en avant dans l’armée ne sont pas celles de la Bible. Les adventistes du septième jour ne devraient pas choisir de s’engager dans une organisation formant des gens à faire preuve de violence et à tuer et dont les objectifs sont très éloignés de la compassion, de l’humilité, de l’esprit de pardon, de la bienveillance et de la douceur dont nous sommes appelés à faire preuve.

 

CONCLUSION

Les adventistes du septième jour doivent avoir conscience du fait que, s’ils s’engagent dans l’armée, ils seront confrontés à de très nombreux problèmes, dont certains seront inévitables. Ainsi, les membres d’Église ne devraient pas se placer délibérément dans des situations qui les pousseront à mettre de côté leurs valeurs morales. L’esprit de la guerre n’a rien à voir avec l’esprit du Christ. Ellen G. White écrit ceci : « [Satan] fait ses délices de la guerre qui excite les pires passions, puis il précipite dans l’éternité ses victimes ivres de vices et de sang. Il incite les nations à la guerre afin d’empêcher les hommes de se préparer à subsister au jour de Dieu7. »

Ainsi, nous devrions nous efforcer de saisir toutes les occasions qui se présentent à nous d’adopter un mode de vie conforme à l’exemple du Christ, de défendre la justice et de promouvoir la paix autour de nous. L’amour chrétien – même vis-à-vis de nos ennemis – va bien au-delà des frontières de l’humanisme. Il implique de faire preuve d’un grand courage et d’une grande sagesse.

À la lumière de ces problèmes éthiques majeurs, les adventistes du septième jour sont invités à se prononcer en faveur de l’objection de conscience au service militaire. La guerre n’a jamais été le moyen choisi par Jésus pour régler les problèmes. Plutôt que coopérer avec ceux qui portent les armes, nous qui sommes chrétiens sommes appelés à coopérer avec Jésus. Il nous demande de recevoir son Esprit afin que nous soyons capables de pardonner et d’être des outils de paix, de réconciliation et de guérison.

Frank M. Hasel est titulaire d’un doctorat en théologie systématique de l’université d’Andrews, dans le Michigan, aux États-Unis. Il est actuellement directeur adjoint de l’Institut de recherche biblique (Biblical Research Institute) de la Conférence générale des adventistes du septième jour dont le siège se trouve à Silver Spring, dans le Maryland, aux États-Unis. Son courriel : Haself@gc.adventist.org.

 

De Frank M. Hasel
Source : « Questions éthiques relatives au service militaire », Dialogue 32 (2020/3), p. 12-14


  1. Sur l’évolution de la position des adventistes du septième jour et leur rapport au service militaire et à la guerre, voir Douglas Morgan, “Pacifists, Conscientious Cooperators, or Combatants? The Seventh-day Adventist Loss of Clarity on War and Military Service.” In Frank M. Hasel, Barna Magyarosi, and Stefan Höschele, eds., Adventists and Military Service: Biblical, Historical, and Ethical Perspectives (Madrid: Editorial Safeliz, 2019), 117-134.
  2. Pour approfondir la réflexion sur le dilemme éthique, voir Frank M. Hasel, “Ethical Challenges in Military Service” in Adventists and Military Service, ibid., 151-182.
  3. Tous les textes bibliques sont tirés de la Nouvelle Bible Segond.
  4. À propos du commandement « Tu ne tueras pas », voir Jiří Moskala, “‘You Shall Not Kill’ or ‘You Shall Not Murder’? The Meaning of Ratsakh in the Sixth Commandment” in Reflections: The BRI Newsletter, 67 (July 2019): 1‒7: https://www.adventistbiblicalresearch.org/sites/default/files/July%20-%20September%202019%20Newsletter-%20Final%202.pdf.
  5. Nous avons cependant des témoignages forts d’adventistes du septième jour qui ont été contraints de s’engager dans l’armée ou qui ont servi dans l’armée et qui se sont efforcés de respecter le sabbat. Voir Daniel Heinz, “Adventist Opposition to War in Europe: Cases of Nonconformity and Conscientious Objection,” in Adventists and Military Service, 135‒150, and Victor Hulbert, “14 Soldiers in God’s Army” in Adventist Review (October 22, 2014): http://www.adventistreview.org/141530-18.
  6. Aux États-Unis, mais chaque pays a sa propre organisation. [ndlc].
  7. Ellen G. White, La Tragédie des siècles, p. 638 (Éditions Vie et Santé, 1992).
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