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De la crainte à l’émerveillement

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Enfants, il nous semblait parfois que nous contrôlions le monde. Nous placions nos petits doigts devant nos yeux et les membres bien-aimés de la famille disparaissaient – mais seulement pour un instant. Nous éclations alors de rire, et les nombreux adultes dans la pièce interrompaient leurs discussions animées pour rigoler avec nous. Et lorsque nous pleurions, c’était comme si le monde cessait de tourner normalement : les grands se précipitaient pour nous prendre dans leurs bras, pour nous débarbouiller, nous réconforter, ou nous nourrir.

Nous priions pour les chatons et les chiots perdus, et (la plupart du temps) ils finissaient par revenir à la maison. Nous priions pour la sécurité de ceux qui allaient partager l’Évangile, et ils nous revenaient avec des récits qui validaient toutes nos prières. Nous pensions qu’il y avait un lien direct entre nos actes et les événements qui se produisaient autour de nous. Quand nous étions gentils, le soleil perçait les nuages. Quand nous étions en colère, effrontés, égoïstes, déraisonnables, eh bien, les choses n’allaient que de mal en pis !

Nos bicyclettes ou nos voitures tombaient en panne le vendredi aprèsmidi parce que nous ne nous étions pas préparés convenablement pour le sabbat. Des amitiés se brisaient parce que quelque part, d’une manière ou d’une autre, il y avait un péché que nous n’avions jamais confessé. Dans l’univers que nous connaissions, de bonnes choses arrivaient à ceux qui faisaient de bons choix, des choix censés. En revanche, de mauvaises choses – des choses terribles, indicibles – attendaient ceux qui faisaient fi de la loi. Parce que nous avions finalement appris « [qu’il] n’y a point de juste, pas même un seul » – ni vous, ni moi – nous nous demandions si l’incendie qui avait consumé la grange, ou l’accident responsable de la fracture d’un poignet était, en quelque sorte, un avertissement d’en haut nous signalant la perte de notre innocence, ainsi que la médiocrité de nos choix. 

Mais vinrent ensuite des événements si cosmiques et si démesurés qu’il sembla impossible que quelque chose en nous puisse en être la cause. Les économies nationales se sont endettées et les devises ont été dévaluées. La corruption a continué de régner là où la justice devrait siéger, et on dirait que toute notre boussole morale semble inversée. Un terroriste attaque un site pétrolier à 16 000 kilomètres de chez nous, et soudain, nous avons du mal à remplir le réservoir de carburant.

Les feux de forêt font rage et les icebergs fondent. Les ouragans et les typhons tournoient au-dessus de vastes océans, ciblant, semble-t-il, les endroits mêmes où la misère sera la pire. Des coraux meurent ; des espèces disparaissent ; et des villes côtières voient leurs gratte-ciels spectaculaires s’effondrer à cause des raz-de-marée qui déferlent violemment sur elles.

Une grande pandémie balaie le monde – emportant justes et insouciants, croyants et athées. Ni l’âge, ni la santé, ni la race, ni la richesse ne nous protègent d’un ennemi si petit qu’il nous est impossible de le voir à l’oeil nu. Et chaque fois qu’un être que nous connaissons, que nous aimons, est fauché par la COVID-19, nous levons nos yeux pleins de larmes vers le ciel et, dans notre chagrin, murmurons : « Seigneur, nous périssons ! Cela ne te fait-il rien ? » 

* * *

Au 21e siècle, les tempêtes de l’existence quotidienne sont bien réelles. Nous en sommes venus à comprendre que ce qui en est la cause, ce sont des forces plus grandes et plus sombres que tout ce que nous aurions pu faire ou choisir. « Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes1. » (Ep 6.12) Comme les disciples fatigués et terrifiés se cramponnant à une barque qui coule, nous attendons impatiemment le secours : « Jusques à quand, Éternel ! m’oublieras-tu sans cesse ? Jusques à quand me cacheras-tu ta face1 ? » (Ps 13.2)

Et là, à l’arrière de notre bateau, repose celui en qui on nous a appris à faire confiance, dormant du sommeil imperturbable de l’innocence et de la foi.

Ce tableau suffit pour que les adultes, hommes et femmes, grincent des dents, car la règle de ce que nous appelons notre « foi », c’est qu’en temps de crise, on a besoin de tout le monde. « Tout le monde sur le pont ! » – telle est la devise de la marine lorsque les calamités nécessitent toutes les ressources et tous les talents de marin possibles. Et l’on marmonne : Mais voyons, Jésus pourrait au moins écoper avec nous, ou manier les rames, ou descendre le mât cassé ! Et nous supposons que parce que nous avons une urgence dans notre vie, il devrait y en avoir une aussi dans la sienne.

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Mais il dort encore – non, en fait, il se repose – dans le creux, non pas d’un bateau, mais des mains de son Père. Et tandis qu’il rêve des milliers de personnes qu’il nourrira, des corps qu’il guérira, des yeux auxquels il rendra la vue, nous sentons notre impuissance et notre panique se transformer en une indignation caustique. Maintenant, nous laissons échapper ce qu’auparavant nous n’avions osé que penser : « Seigneur, nous périssons ! Cela ne te fait-il rien ? »

« Jésus, c’est mon travail que je suis sur le point de perdre. Comment vais-je nourrir ma famille ? » « C’est mon quartier que le typhon a détruit. Comment arriverons-nous à reconstruire ? » « C’est ma femme, c’est mon mari – celui/celle que tu m’as donné(e) – qui est maintenant à l’hôpital, à peine capable de respirer, incapable de communiquer. »

Ces questions, nées de la peur, semblent être d’une urgence fatidique. La foi en ce moment semble s’apparenter à ce dicton (et à d’autres idées non bibliques) : « Aide-toi et le Ciel t’aidera ». Nous insistons sur le fait que les réponses à notre crise résident dans les moyens dont nous disposons : stabiliser un bateau qui chavire, écoper l’eau, garder les rames en place. 

Nous n’arrivons pas à imaginer que quelqu’un qui émerge de son repos se tienne là, dans le bateau en train de se remplir, et ordonne aux vents et aux vagues de lui obéir. Nous n’arrivons pas à concevoir que celui qui dort du sommeil de l’innocence ait entre ses mains une omnipotence pareillement phénoménale. Sa réponse dépasse notre imagination qui sombre, car il contrôle les forces mêmes que nous avons jugées les plus mortelles : « Les vagues et les vents connaissent encore sa voix qui les dirigeait alors qu’il habitait parmi nous »2. Il sait que, aussi terrible soit-elle, cette tempête n’est pas la plus grande qui puisse encore envahir nos destinées.

* * *

« Il parle aux flots en démence : Paix vous soit !
La mer, les vents font silence ; Paix vous soit ! Paix vous soit !
Il est notre délivrance ; Paix vous soit 3 ! » 

Et le calme qu’il crée, et le doux clapotis des vagues sur la coque du bateau soudainement stable sont aussi surprenants que la tempête qui a balayé les canyons. La douleur et la tension des muscles contractés et des esprits crispés s’estompent progressivement tandis que nous sommes maintenant dépassés par une nouvelle et juste crainte – ou plutôt un émerveillement – la crainte qu’un autre disciple accablé a un jour confessée au fond d’un autre bateau : « Retire-toi de moi, parce que je suis un homme pécheur. » (Lc 5.8) 

Nous ressentons à nouveau notre profonde indignité – non pas comme étant la cause de tout ce qui s’est passé, non pas comme si nous étions ceux dont le mauvais comportement a généré de grosses tempêtes, mais par rapport au fait que nous sommes tenus – ô combien ! – par la grâce, même dans les situations d’urgence – surtout dans les situations d’urgence. Celui qui a partagé le fond détrempé d’un bateau avec 12 hommes au désespoir, terrifiés, partage aujourd’hui le fond de votre bateau alors que vous regardez par-dessus les plats-bords d’un monde dont les maladies et les tempêtes menacent toujours. 

Il y aura encore des pertes d’emploi. Des animaux de compagnie disparaîtront. La reconstruction des maisons et des communautés sera à la fois difficile et lente, et les relations brisées ne guériront qu’au rythme de l’humilité et de l’amour. Nous continuerons à pleurer lorsque des êtres chers rendront leur dernier soupir ou sombreront dans des situations où la conversation ne peut plus les toucher. Mais nous avons contemplé la vision cruciale d’un Seigneur qui ne quitte jamais un navire qui coule, qui ne détourne jamais son visage lorsque les calamités nous submergent. Contre les vagues déferlantes et les nuages menaçants, nous distinguons la silhouette de celui qui s’est engagé à nous conduire à son port éternel. Nous avons maintenant cette certitude que rien « ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur » (Rm 8.39) – ni la hauteur de la tempête, ni la profondeur de la mer ; ni les crises actuelles, ni celles à venir ; ni la vie écourtée, ni la mort retardée ; ni aucune autre chose dans toute la création. 

« C’est pourquoi nous ne perdons pas courage. Et lors même que notre homme extérieur se détruit, notre homme intérieur se renouvelle de jour en jour. Car nos légères afflictions du moment présent produisent pour nous, au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire, parce que nous regardons, non point aux choses visibles, mais à celles qui sont invisibles ; car les choses visibles sont passagères, et les invisibles sont éternelles. » (2 Co 4.16-18) 

 

De Bill Knott, éditeur de Adventist World
Source : Adventist World – Février 2021


  1. Sauf mention contraire, toutes les citations des Écritures sont tirées de la version Louis Segond 1910.
  2. Katharina von Schlegel, tr. Jane Borthwick, « Be Still, My Soul », Hagerstown, MD, Review and Herald Publishing Association, 1985, p. 461.
  3. « Maître, entends-tu la tempête ? », Hymnes et louanges, n° 375 .
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