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Ce mensonge tenace

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Lundi 25 mai 2020, l’éruption du chaudron bouillonnant des troubles sociaux aux États-Unis s’est traduite en une rage qui est devenue difficile à réprimer. C’est une rage pour la justice et pour qu’un mensonge soit démasqué. En tant qu’homme noir, il y a une chose que je sais : tout ce que vous avez vu à la télévision n’est que la partie visible de l’iceberg indiquant la façon dont ce mensonge a déformé la vie quotidienne des personnes de couleur. De nombreux Afro-Américains vivent chaque jour en sachant que leur couleur est une énorme cible sur leur dos. Être noir peut avoir de lourdes conséquences – cela peut ravager l’esprit, menacer le psychisme, transformer les foyers en camps d’entrainement où très tôt les enfants sont formés à lutter contre ce mensonge.

Moi aussi, j’ai été victime de délit de faciès et détenu par la police et même par le FBI. J’ai beaucoup voyagé au début de mon ministère, et j’ai fréquenté de trop nombreux aéroports. Alors ils m’ont détenu et m’ont interrogé sur mes habitudes de voyages fréquents – juste pour s’assurer que je ne faisais pas de trafic de drogue.

En tant que père, je vis tous les jours avec la crainte diffuse que l’histoire de George Floyd pourrait être la mienne, ou celle de mon fils – n’importe lequel des trois. Chaque jour s’accompagne d’un calcul qui m’empêche de faire des choses qui seraient parfaitement normales si je n’étais pas noir. La sempiternelle pensée est : « réduire les risques liés à votre couleur de peau. » Vous apprenez à calibrer vos pas par rapport à un mensonge.

Il y a 21 ans, ma famille et moi avons emménagé dans le quartier où nous vivons maintenant, une communauté patriotique calme et paisible. Au cours de ces 21 années, nous n’avons jamais rencontré ou vu une autre famille noire avec des enfants dans notre secteur. Poussé par la sagesse, par la connaissance du mensonge et la nécessité de « réduire mes risques, » la première chose que j’ai faite à mon arrivée a été de me rendre au poste de police et de me présenter, en personne, au plus grand nombre d’agents possible. J’avais peur de mourir à cause de ce mensonge, j’avais peur que les officiers ne fassent une bavure parce qu’ils m’avaient vu entrer dans ma propre maison. Vous pourriez vous demander : qui fait ce genre de choses ?

Qui emménage dans un quartier déterminé à rencontrer la police le plus tôt possible ? Ce sont les types de calculs que vous faites en tant qu’homme noir essayant d’être en sécurité en Amérique. Parce que vous savez que beaucoup en Amérique croient dans ce mensonge.

Ce mensonge c’est le racisme, et sa force maléfique vit profondément dans l’âme et la psyché des États-Unis. C’est une caractéristique qui défigure, un profond déficit moral que de nombreux citoyens moraux et aimants acceptent et chérissent. Ce mensonge est le péché originel et durable de l’Amérique.

Le racisme, cette lacune morale profonde, a donné naissance à des horreurs indicibles et à une laideur indescriptible : la vie de George Floyd qui a été lentement, délibérément éteinte dans une rue de Minneapolis, n’est qu’une de ses preuves répugnantes les plus récentes.

Par la proclamation, la législation, et même une guerre civile, nous avons essayé de le chasser, d’implorer sa disparition, de le chasser à travers des chants et même de prier pour qu’il s’en aille. Pourtant, le mensonge demeure, un redoutable démon, refusant de se soumettre à l’exorcisme.

Le racisme est un principe conçu pour la tyrannie, pas pour la liberté. C’est un baume qui s’efforce d’apaiser des peurs profondément ancrées dans l’ordinaire et la superficialité. Il alimente un faux sentiment de supériorité, l’antithèse même de la vérité selon laquelle tous les êtres humains sont créés égaux et méritent de jouir des mêmes droits et des mêmes opportunités.

Ce mensonge coriace évoquant une prééminence donnée par Dieu basée sur la couleur de peau est le lait maternel que boivent beaucoup de nationalistes blancs. Ils s’en sont nourris depuis les débuts de cette nation ; et ses nutriments toxiques continuent de renforcer et d’endurcir les esprits abominables.

La plupart des Américains vivent en ayant très peu de connaissances sur les annales les plus sombres des premières pages de notre histoire, sur la sauvagerie choquante des Puritains et des Pèlerins. Et aujourd’hui, grâce à la capacité de filmer instantanément et de diffuser en direct, chacun est devenu son propre « pbs » (service de diffusion personnel). Pour la première fois dans l’histoire, le monde peut voir en temps réel, via la télévision par câble et Facebook Live, davantage de ce qui est répugnant et ignoble dans le caractère américain. Nos enfants regardent avec étonnement, obligés de regarder, à travers les yeux de l’innocence, le fléau caché derrière des générations de portes glamour. Les appareils permettant d’enregistrer sont omniprésents et offrent désormais une exposition incontournable à des crimes autrefois familiers et pourtant invisibles.

Mais maintenant, les George Floyds du monde, suffoquant depuis longtemps sous le poids écrasant des péchés de l’Amérique, ne vivent plus et ne meurent plus dans un anonymat torturé. La croute a été enlevée. Notre nation doit enfin comprendre que, malgré toute sa grandeur, un trop grand nombre de ses habitants doivent encore parcourir de longs chemins embués de larmes, pleurant ceux qui ne sont jamais rentrés vivants à la maison à cause d’un mensonge.

Il y a des raisons pour lesquelles les images du « genou sur le cou jusqu’à la domination ou la mort » ont pénétré notre subconscient et ont touché une zone sensible. Instinctivement, émotionnellement, collectivement, la plupart des Afro-Américains reconnaissent ces images comme étant une représentation appropriée des systèmes collectifs d’oppression et d’injustice qui rendent difficile pour les Afro-Américains ordinaires de respirer socialement, émotionnellement, économiquement et spirituellement. Avec le poids de l’oppression sur le dos, ils crient : « Je ne peux pas respirer. » « Je n’y arrive pas ; Je n’ai pas de répit. » Le genou sur le cou illustre également la réponse de l’ordre établi à l’appel à l’aide lancé par un peuple. Au lieu de réconfort et de soulagement, les cris se heurtent à des tactiques conçues pour réprimer et faire taire la résistance au statu quo. Le genou sur le cou est également un avertissement macabre et prémonitoire d’un avenir que beaucoup sont déterminés à éviter en agissant rapidement.

Juste au moment où cette fière nation a été mise à genoux par un virus pandémique, elle doit également affronter simultanément, un autre virus invisible ; celui qui ne vit pas dans le corps, mais dans l’esprit.

Desmond Tutu a dit un jour : « Si vous êtes neutre dans des situations d’injustice, vous avez choisi le côté de l’oppresseur. » Cela veut dire pour moi que nous devons tous agir et faire, parler et vivre contre ce mensonge pour notre bien et pour celui de notre nation.

Nous devons trouver des moyens d’aimer la nation tout en haïssant ses péchés. Et nous devons nous tourner les uns vers les autres, pas les uns contre les autres, toujours conscients, qu’il y a un jugement qui a été prononcé sur tous ceux qui « aiment et pratiquent le mensonge. »

Pour combattre cette invention condamnée à l’échec, nous avons besoin d’une vision transformatrice et d’un leadership visionnaire en Amérique; un leadership qui porte un regard lucide sur cette vérité: à savoir que le racisme est un mensonge, un mensonge tenace qui doit être déraciné, une idole qui doit être démolie, une maison hantée, construite au fil des siècles, qui doit être démantelée.
À ceux qui se sentent rejetés, rabaissés et maltraités, je dis: l’amour est plus fort que le mensonge; et comme l’a dit le Dr Martin Luther King, « La haine ne peut pas chasser la haine: seul l’amour peut le faire. » Alors que nous pleurons ensemble, n’ayons pas peur de construire ensemble et de nous regarder les uns les autres avec amour, humilité et civilité. Alors que nous œuvrons contre ce mensonge, encourageons nous les uns les autres, embrassons et affirmons la dignité des autres; nous pouvons construire un brillant avenir de vérité pour nos enfants et laisser à notre postérité le destin qu’elle mérite, confiants dans le fait que Thomas Carlyle avait raison quand il disait : « Aucun mensonge ne peut durer éternellement. »

Et Nelson Mandela a ajouté : « Personne ne naît en haïssant une autre personne à cause de la couleur de sa peau, de son histoire ou de sa religion. Les gens doivent apprendre à haïr, et s’ils peuvent apprendre à haïr, on peut leur apprendre à aimer. »

 

De Wintley Phipps, artiste vocal de renommée internationale et fondateur de la U.S. Dream Academy. Il a été auparavant représentant de l’Église adventiste du septième jour au Congrès américain. Wintley Phipps a également été pasteur de plusieurs congrégations adventistes dans l’agglomération de Washington D.C., et est maintenant pasteur de l’église adventiste du septième jour de Palm Bay en Floride.
Source : www.interamerica.org/fr/2020/06/ce-mensonge-tenace/
Traduction: Patrick Luciathe

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