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La vie après le deuil

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Certains chrétiens semblent croire que la foi en Christ ou la perspective de la vie éternelle écarte le besoin de s’affliger, de pleurer, en quelque sorte, d’être pleinement humain. Cependant, c’est la foi et la présence permanente de Dieu qui nous rendent capables de pleurer, le cœur rempli d’espoir, au lieu de nier la douleur de la situation humaine.

Son chagrin est bouleversant, je reste sans voix. Je le ressens comme s’il émanait d’elle, comme si les gros nuages noirs d’une tempête planaient sur elle. Là, devant une chambre aux soins intensifs, elle est assise et regarde son fils mourant à travers la vitre d’une porte fermée. Comme elle ne peut pas s’approcher davantage de lui, elle tend la main pour étreindre, embrasser et caresser la vitre dans sa tentative futile d’atteindre son bébé. Témoin de sa douleur, je reste à côté d’elle en silence et mets mes mains sur ses épaules.

Cela fait maintenant quatre ans que je suis aumônière en milieu hospitalier. Au cours de ces années, j’ai eu le privilège sacré d’accompagner des gens dans certains de leurs moments les plus douloureux et les plus sombres de leur vie. Je suis appelée à accompagner des gens qui sont en deuil suite à une mauvaise nouvelle, qui vivent un traumatisme ou qui sont en fin de vie. Pour moi, le deuil est familier, courant, car je l’entends, je le vois et je le ressens dans les chambres et les couloirs, ainsi que dans ma vie personnelle. J’ai appris à respecter le deuil, à l’apprécier, et même à en être reconnaissante. J’ai appris que le deuil peut être normal, utile, positif. J’ai vu qu’il peut être accompagné d’espérance. J’ai compris qu’il a de nombreuses phases, de nombreux visages, et que l’un d’entre eux peut même être… un sourire.

Le deuil est un voyage que nous entreprenons à partir du moment où nous naissons et pleurons, et dont nous poursuivons l’expérience alors que nous pleurons la perte du confort de l’utérus. Au fur et à mesure que nous grandissons, nous faisons l’expérience de la douleur et de la perte, de manière plus ou moins importante. Et nous devons apprendre à faire face à nos émotions, à les ressentir, à les partager, à trouver du réconfort, à leur donner un sens et à espérer.

Si le deuil est un élément si incontournable de l’expérience humaine, pourquoi les êtres humains ont-ils tant de mal à en parler ? Pourquoi le concept de deuil leur est-il si étranger ? Ce sentiment de malaise, de tristesse et de colère peut-il être appelé deuil ?

Le deuil est une réaction naturelle et normale que nous vivons à différents niveaux d’intensité, pour différentes raisons et avec différentes réactions. Il est plus courant que nous le pensons. Lorsque nous subissons une grande perte – mort d’un être aimé, relation brisée, perte d’emploi, etc. – nous sommes en deuil. Il existe aussi des raisons plus courantes de faire son deuil : déménagement d’un être cher, problème de santé, transition affectant notre lieu de travail… Il y a même des petites choses dont on fait le deuil – fermeture d’un magasin préféré, perte d’une partie des économies, vacances annulées…

Avez-vous vécu un deuil cette année ? En ce moment même, le vivez-vous ? Personnellement, je vis un petit deuil en ce moment. Le jour de l’an, j’ai pris la résolution d’être plus en forme que jamais en adoptant un mode de vie actif et en faisant de l’exercice cinq fois par semaine. J’en ai pris l’engagement. Le 1er janvier de cette année, je me suis réveillée tôt, impatiente de débuter ma première séance d’entraînement. Malheureusement, pendant un exercice, je me suis blessée au pied. Incapable de marcher, j’ai été obligée de rester assise. Même lorsque j’allais mieux, j’ai dû sérieusement ménager mes efforts pour ne pas nuire à la guérison. Ma résolution n’est devenue qu’un élément de plus dans ma boîte de rêves envolés et d’objectifs non atteints. Je fais donc le deuil de ma capacité à être active et à faire de l’exercice – et, dans un sens plus profond, de ma capacité à atteindre un objectif dans lequel je me suis émotionnellement investie.

 

LA FOI ET LE DEUIL

On m’a demandé un jour : « Est-ce normal qu’un chrétien soit en deuil ? » Eh bien, si le deuil est humain et que les chrétiens sont des êtres humains, alors la réponse est évidente ! Tout le monde a du chagrin, y compris les chrétiens. Mais les chrétiens semblent croire que la foi en Christ ou la perspective de la vie éternelle peut écarter le besoin de ressentir, de pleurer et d’être pleinement humain. Il y a quelque temps, j’ai rendu visite à une femme dans l’unité de gynécologie-obstétrique. Elle venait de mettre au monde un petit garçon né à terme. Elle avait apporté un nouveau sac à langer rempli de tout ce dont son bébé aurait besoin et un nouveau siège auto pour le retour à la maison. La chambre d’enfant à la maison était préparée et remplie de cadeaux que les membres d’église avaient offerts. Ses autres enfants étaient enthousiastes. Cependant elle avait mis au monde un enfant mort-né. En entrant dans la chambre, je m’attendais à voir, à entendre ou à sentir la dévastation habituelle dont j’ai été si souvent témoin dans des cas semblables. Mais cette fois-ci, c’était différent. Pas de larmes. Pas de « et si ». Pas d’expression de tristesse. Elle m’a dit qu’elle n’avait pas de raisons d’être triste. Dieu avait permis à son bébé de mourir et elle devait l’accepter. Pour elle, cela signifiait qu’il n’y avait aucune place pour le chagrin, les larmes, la colère, les questions, les sentiments.

À maintes reprises, je lui ai demandé comment elle se sentait. Voici sa réponse : « Je ne ressens rien. » Elle ne se permettait pas de ressentir le chagrin causé par la perte de son fils. D’après elle, sa foi exigeait une acceptation sans tristesse, sans larmes, sans colère. Elle ne se permettait pas de ressentir sa profonde angoisse. Par conséquent, elle ne ressentait rien.

Deux mois plus tard, je l’ai rencontrée de nouveau – à ma surprise, pas dans une chambre habituelle mais dans l’aile psychiatrique de l’hôpital. Elle était psychotique. Son refus de faire son deuil et le déni de sa douleur étaient devenus trop lourds à porter. Les Écritures disent qu’en raison de l’espérance du retour de Jésus, nous ne nous affligeons pas comme ceux qui n’ont pas d’espérance (1 Th 4.13). Cela signifie qu’en tant que chrétiens, l’espérance nous anime, certes, mais nous souffrons en même temps.

Quelle est donc la meilleure façon de réagir à une perte ? Une bonne première étape consiste à reconnaître ce qui vous est arrivé ou ce qui vous arrive, ce que vous avez perdu et ce qui a changé dans votre vie. Examinez ensuite ce que vous éprouvez. Permettez-vous de ressentir toutes vos émotions sans les juger comme étant négatives ou mauvaises. Les émotions sont humaines. Dieu vous a créé avec la capacité de les ressentir. Trouvez des moyens équilibrés d’exprimer ce que vous ressentez – par exemple en tenant un journal, en vous joignant à un groupe de soutien, en parlant à un ami, en demandant conseil ou en pratiquant toute activité positive qui vous semble thérapeutique. En ce qui me concerne, j’aime faire de longues promenades avec mon chien tout en priant et en méditant. Ma collègue de travail, elle, écoute du gospel à plein volume pendant qu’elle roule. Une amie qui vit désormais seule suite à la perte de sa mère et, à quelques jours d’intervalle, à celle de son chien, utilise Facebook comme un journal où elle écrit et partage ce qu’elle ressent. Cela l’aide à exprimer ses sentiments et lui permet de recevoir des mots de réconfort et d’espoir de ceux qui la lisent.

Aux soins intensifs, je n’oublierai jamais ce que j’ai vu en me tenant aux côtés de cette mère assise devant la chambre où son fils se mourait. Elle ne pouvait même pas le toucher car il était en isolement à cause de la COVID-19. Nous avons toutes deux souri lorsqu’elle m’a montré une vidéo sur son téléphone qu’elle avait prise le jour précédent. Il était heureux, apparemment en bonne santé, et s’amusait avec ses amis. Il était si plein de vie ! Le lendemain matin, on l’a retrouvé effondré. Il n’y avait plus rien à faire. La vie est fragile, injuste et pleine de chagrins. Mais la vie est bonne aussi, car de la douleur et de la rupture naît la guérison. Si vous avez vécu, alors vous avez pleuré et ri, vous avez connu des pertes et des gains, vous avez eu du chagrin et vous avez guéri. Et tout cela recommencera. De toutes expériences humaines, nous pouvons nous enrichir.

À travers les hauts et les bas, à travers les peines et les douleurs, souvenons-nous que nous ne sommes jamais seuls. Dieu a dit à maintes reprises qu’il ne nous quittera jamais et qu’il ne nous abandonnera pas, quels que soient nos deuils ou nos douleurs (voir Gn 28.15 ; Jos 1.5 ; Dt 31.6 ; He 13.5). Bientôt, « Il essuiera toute larme de [nos] yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu*. » (Ap 21.4)

C’est sur une telle toile de fond que nous osons vivre nos deuils, le cœur rempli d’espérance.

De Denny Rengifo, titulaire d’une maîtrise en pastorale de l’université Andrews et conseillère auprès des familles endeuillées de la collectivité et anime des groupes de soutien pour des personnes qui traversent le deuil.
Source : « La vie après le deuil », Dialogue 33 (2021/2), p. 24-25


* Sauf mention contraire, toutes les citations bibliques sont tirées de la version Louis Segond 1910.

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