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JE NE LE JURE PAS !

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Le serment juratoire et la discrimination :

Une salariée peut-elle refuser de prêter serment en refusant la formule « je le jure » à cause de sa religion chrétienne ? Peut-elle proposer une formule alternative ? Dans l’hypothèse d’un licenciement, celui-ci est-il discriminatoire ? Les réponses de la Cour de cassation qui réaffirme son attachement aux libertés fondamentales.

Après Baby loup et en attendant la Cour de Justice de l’Union européenne qui doit se prononcer sur le port du voile et les exigences de la clientèle, la chambre sociale de la Cour de cassation vient de trancher une affaire particulièrement intéressante dans laquelle une salariée invoque sa religion chrétienne pour refuser de prêter serment en disant « je le jure ». La formule alternative qu’elle propose est rejetée par le tribunal de grande instance qui prend acte sur procès-verbal de l’absence de serment, ce qui vaut à la salariée un licenciement pour faute grave. La chambre sociale conclut au caractère discriminatoire du licenciement, lié aux convictions religieuses de la salariée. Elle confirme ainsi sa ligne dure initiée avec l’arrêt Baby loup du 19 mars 2013. La chambre sociale ne badine pas avec la liberté de religion.

Un refus de prêter serment

Un an après avoir été embauchée, Mme B. est admise dans le cadre permanent de la RATP. Son admission aux fonctions d’agent de contrôle est toutefois subordonnée à l’obtention de son assermentation devant la première chambre civile du Tribunal de grande instance de Paris, comme l’exige l’article 23 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer.

Lors de la cérémonie, l’intéressée refuse de prononcer le serment aux motifs que ses croyances religieuses lui interdisent de « jurer ». Elle propose au président du TGI de l’autoriser à prononcer un serment différent en ces termes : « J’acquiesce vos propos quant à mes devoirs de fidélité et de probité au sein de la RATP. Toutefois mes croyances religieuses m’interdisant de lever la main droite et de jurer, je suis en revanche autorisée a’ faire une affirmation solennelle de la même substance dans la- quelle je m’engage à respecter la réglementation et la législation liée à mes fonctions professionnelles et de témoigner la vérité, et de parler sans haine et sans crainte. »

judge-gavel-1461287235arzEn réponse, le juge lui indique qu’« il faut choisir entre prêter serment ou quitter la RATP». Il lui demande de préciser sa religion puis fait noter à sa greffière dans le procès-verbal que Mme B. a refusé de prêter serment parce qu’elle est chrétienne. Le licenciement de l’intéressée ne tarde pas. Le contrat est rompu pour faute grave aux motifs dont elle a refusé de prêter serment.

 

Un licenciement discriminatoire

Le conseil des prud’hommes de Paris la déboute de sa demande d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La cour d’appel confirme le jugement en indiquant que l’employeur était nécessairement étranger à un débat circonscrit entre le président du TGI et la salariée. Entre-temps, une QPC a été déposée et sera rejetée par la Cour de cassation.

 

Au visa de l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme sur la liberté de religion et de l’article L. 11321 du Code du travail relatif au principe de discrimination, la chambre sociale frappe fort. Elle casse l’arrêt d’appel. Le licenciement a été prononcé en raison des convictions religieuses, il est donc discriminatoire et par suite nul : « il résulte de l’article 23 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer que le serment des agents de surveillance exercent au sein des entreprises visées par cette disposition peut être reçu selon les formes en usage dans leur religion ; qu’il s’ensuit que la salariée n’avait commis aucune faute en proposant une telle formule et que le licenciement prononcé en raison des convictions religieuses de la salariée était nul ». Comment décrypter un tel attendu ?

 

Le raisonnement de la chambre sociale est le suivant :

– l’article 23 de la loi de 1845 ne prévoit pas par lui-même la formule de serment. Autrement dit, il n’oblige pas à dire « je le jure » ;

– la formule d’usage « je le jure » présente un caractère religieux à la différence de la formule alternative proposée par la salariée qui n’engage qu’elle ;

– la salariée ne commet aucune faute en proposant une formule alternative. C’est d’ailleurs le sens d’une jurisprudence ancienne de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui permet à ceux qui n’entendent pas jurer de faire une promesse solennelle, suivant les rites et usages dans leur religion (Cass. crim., 17 sept. 1883, Bull. crim. n° 237; 8 mars 1924, Bull. crim. n° 117) ;

– la formule alternative n’est recevable que si elle s’impose du fait de la religion de l’intéressée. Par conséquent, il ne s’agit pas de refuser de dire « je le jure » pour des motifs farfelus. En revanche, si la religion l’impose, comme pour les anabaptistes, le refus est légitime ; si ces conditions sont réunies, le licenciement prononcé en raison du refus de dire « je le jure » est en lien avec les convictions religieuses de la salariée et revêt un caractère discriminatoire.

Un serment de nature religieuse

Reprenons. Un des points centraux de l’affaire était celui de savoir si le serment juratoire est ou non de nature religieuse. Dans sa motivation, la Cour de cassation est plutôt discrète sur le sujet, probablement pour ne pas être taxée après la polémique Baby loup, de célébrer la liberté de religion tout en niant la laïcité à la française. Et pourtant, à lire l’avis de l’avocat général Raphaël Weissmann et le rapport de Jean Guy Huglo, le débat s’est cristallisé sur ce point. (Françoise Champeaux).

(Pew Research Center/BIA) – Dammarie-les-Lys, France

Publié par BIA (Bulletin d’information Adventiste), nº 411, février 2017.

 

 

 

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