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Gardiens du trésor

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Ce que nous faisons durant notre « temps libre » est d’une importance capitale pour notre vie et pour celle des autres. Nous pouvons en faire fortune ou le dissiper. Cela peut former le caractère ou le distordre. Au fond, ce que nous faisons de notre temps révèle notre philosophie de vie.

Aschpenaz soupirait1. La chaleur du jour avait été insupportable et les rayons du soleil, ardents, impitoyables. À cette période de l’année, il faisait toujours extrêmement chaud. En soirée, une brise soufflait à travers les sables du désert. Mais comme les portes de la ville étaient alors fermées, personne ne pouvait vraiment espérer en profiter.

Pour empirer les choses, le capitaine a ordonné à Aschpenaz – lequel avait pourtant monté la garde toute la journée aux portes de la ville – d’assurer le quart suivant. Ce soir-là, toute la ville célébrerait la fête d’Ishtar. Le capitaine ferait sans doute la fête avec quelques-uns de ses favoris. Malheureusement, Aschpenaz n’était pas au nombre de ces privilégiés. Cet après-midi même, le capitaine l’avait traité de paresseux, d’insolent, de bon à rien !

Ses parents avaient pourtant nourri de grands espoirs pour lui. À sa naissance, ils l’ont appelé Aschpenaz – d’après le nom de l’officier en chef à la cour du grand Nebucadnetsar. Peut-être, se disaient-ils, que ça lui porterait chance ! Plus tard, ils l’ont envoyé dans les meilleures écoles de Babylone, mais en vain : Aschpenaz, pour qui les études étaient toujours trop exigeantes, ne pensait qu’à ne pas trop se fatiguer.

C’est alors que l’armée lui avait semblé être une bonne option. En plus des sensations fortes, de l’aventure, du plaisir, cette carrière serait pour lui une occasion de gravir les échelons de la notoriété. C’était, du moins, ce que le recruteur lui avait dit. Mais ce jour-là, il était toujours au bas de l’échelle, gardant les portes de la ville, un jour ennuyeux après l’autre, et à cette période-là, une nuit interminable après l’autre.

Et qu’est-ce qu’il faisait chaud !


DANIEL ET LE ROULEAU

Non loin de là, à peu près à mi-chemin entre les portes du fleuve et le palais, Daniel arrivait à son logement dans le quartier des sages. Il avait passé la plus grande partie de la journée à la bibliothèque royale, cherchant des références aux Mèdes et aux Perses. Avec l’armée médo-perse empiétant sur le royaume, avec un jeune et énergique monarque sur le trône perse et avec l’Empire babylonien plongé dans le chaos, l’écriture sur le mur ne saurait tarder.

Daniel est entré dans sa chambre et s’est dirigé directement vers la fenêtre qui donnait sur l’ouest, vers Jérusalem. Il a levé les mains vers le ciel et a béni Yahvé, le Dieu d’Abraham.

Contrairement à la plupart des demeures des sages, celle de Daniel n’était pas somptueusement meublée. Outre les nécessités de base, une seule chose se démarquait : une rangée de vases d’argile le long du mur intérieur. C’était là qu’il conservait son trésor : des rouleaux anciens. Ces rouleaux étaient encore plus précieux que les coupes sacrées du temple de Jérusalem que Beltschatsar était sans doute en train de profaner. Le dernier vase contenait le rouleau le plus précieux de tous : celui du prophète Jérémie.

Daniel l’a soigneusement retiré du vase et l’a posé sur la table. Avec révérence, il l’a déroulé et y a relu les passages suivants : « Tout ce pays deviendra une ruine, un désert, et ces nations seront asservies au roi de Babylone pendant soixante-dix ans. Mais lorsque ces soixante-dix ans seront accomplis, je châtierai le roi de Babylone et cette nation, dit l’Éternel, à cause de leurs iniquités ; je punirai le pays des Chaldéens, et j’en ferai des ruines éternelles2. » (Jr 25.11, 12) « Mais voici ce que dit l’Éternel : Dès que soixante-dix ans seront écoulés pour Babylone, je me souviendrai de vous, et j’accomplirai à votre égard ma bonne parole, en vous ramenant dans ce lieu. » (Jr 29.10) Soixante-dix ans… Ils étaient presque écoulés !

Soudain, Daniel a entendu un cliquetis d’armes à sa porte. « Ô Daniel, chef des conseillers et le plus sage des sages, sa majesté Beltschatsar, fils de Nabonide, fils de Nebucadnetsar le Grand, désire que tu viennes immédiatement au palais. L’affaire est urgente ! »

Quelle surprise ! Daniel n’avait pas été convoqué depuis des années. La dernière fois, en fait, c’était lorsque les Mèdes avaient commencé à représenter une menace pour le royaume, et que Nabonide avait appelé ses sages pour obtenir conseil. Ils lui avaient recommandé de puiser dans les caisses royales pour renforcer les fortifications frontalières et pour y poster des troupes.

Mais Nabonide n’était jamais passé aux actes. En fait, quelques semaines plus tard, il avait transféré l’administration du royaume à son fils, Beltschatsar, et s’était retiré dans une oasis pour y mener une vie de réclusion. Quant à Beltschatsar, eh bien, il n’était pas disposé à renforcer quoi que ce soit. En fait, depuis le commencement de son co-règne, il avait financé fête sur fête sur les fonds royaux. Et la fête de ce soir était, assurément, la plus coûteuse de toutes.

« Très bien, je viens », a répliqué Daniel. Il a pris le rouleau et a suivi rapidement le garde du corps royal à travers les rues désertes.


LA DÉCISION D’UN GARDE

Aschpenaz n’en pouvait plus. Qu’est-ce qu’il donnerait pour une bouffée d’air frais provenant du chenal fluvial ! Dire que c’était possible, là, juste de l’autre côté des portes…

À quoi bon protéger les trésors du palais royal, les jardins suspendus, le temple de Marduk ? se disait-il en soupirant. Après tout, ils ne m’ont jamais apporté quoi que ce soit de bon ! Et puis, on ne court aucun risque, puisqu’il est impossible pour l’ennemi d’entrer dans la ville par les douves alimentées par le fleuve. Les soldats revêtus de leur armure s’enfonceraient dans l’eau comme de la pierre. Je peux donc me permettre un peu de confort, et peut-être même, quelque plaisir.

Aschpenaz a retiré les lourdes barres de fer et de cuivre qui verrouillaient les portes. Ces dernières ont aussitôt tourné sur leurs gonds, poussées par la brise qui parcourait le chenal. Ah… quel soulagement ! Quelle différence un peu d’eau pouvait faire !

En regardant le fleuve, Aschpenaz a soudain remarqué qu’il ne semblait pas aussi plein que d’habitude. À vrai dire, jamais il n’avait vu ses eaux aussi basses. La sécheresse y était sans doute pour quelque chose.

Il entendait le bruit lointain des festivités montant du quartier des soldats. Jusque-là, ce bruit avait été étouffé par la musique et les voix provenant du palais. Tiens, on dirait que la bande de Beltschatsar a cessé de s’amuser, s’est dit Aschpenaz. Bah, c’est sans doute quelqu’un qui se livre à un discours. Aschpenaz se moquait bien des discours. Ce qui l’intéressait, c’était la musique !

À la fête des soldats, les tables étaient chargées de mets et le vin coulait à flots. En ce moment, ils doivent être tous bien ronds. Pourquoi ne pas y aller ? Si jamais ils me remarquent, ils ne se souviendront pas que je suis censé être en service ! Et Aschpenaz s’est dirigé vers leur quartier où la fête battait son plein.

À peine avait-il parcouru une petite distance qu’il a entendu derrière lui un lourd piétinement. Comme c’était étrange… Qui ferait la ronde en une nuit pareille ? Se retournant, il a aperçu, horrifié, l’ennemi en train de traverser les douves…

Aschpenaz a pris ses jambes à son cou… mais c’était trop tard3 !


QUE GARDEZ-VOUS ?

Un soir, au cours d’une promenade dans le jardin du palais de Tsarskoïe Selo, près de Saint-Pétersbourg, Nicholas et Alexandra ont croisé une sentinelle au garde-à-vous dans un coin retiré du jardin. Estimant que la présence d’un garde à cet endroit était parfaitement inutile, le tsar lui a demandé : « Sentinelle, que gardes-tu donc ? »

« Je ne sais pas, Monsieur, a répliqué le garde. Le capitaine de la garde m’a donné la consigne de me poster ici. »

Étonné, le tsar a appelé le capitaine et l’a interrogé. Mais le capitaine n’a pu lui en donner la raison. Il a simplement répondu que la consigne stipulait qu’il fallait un garde à cet endroit du jardin. Le tsar a ordonné qu’on passe les archives au peigne fin pour déterminer l’origine de ce règlement exigeant qu’on garde un tel endroit jour et nuit, année après année.

Finalement, on a découvert que plus d’un siècle auparavant, Catherine II y avait planté un précieux rosier. Sur son ordre, une sentinelle devait y être postée pour éviter qu’il ne soit endommagé. Le rosier, cependant, était mort depuis des décennies4 !

Et vous ? Quel est votre trésor ? Que gardez-vous ?

Salomon donne ce conseil : « Garde ton cœur plus que toute autre chose, car de lui viennent les sources de la vie. » (Pr 4.23) Votre cœur est un trésor que vous devez protéger. Il est la clé de votre avenir, de votre destinée.

David a écrit : « Je me réjouis de ta parole, comme celui qui trouve un grand butin. » (Ps 119.162) Certains des chrétiens vaudois voyageaient parfois en tant que marchands de bijoux. C’était là un moyen d’avoir accès aux familles de la noblesse. Lorsqu’ils avaient étalés leurs pierres précieuses et qu’on leur demandait s’ils avaient autre chose à vendre, ils répondaient : « Oui, nous avons des bijoux plus précieux encore que tout ce que vous venez de voir. Nous serions heureux de vous les montrer également… si vous promettez de ne pas nous dénoncer au clergé. […] Nous avons une pierre précieuse, une pierre si brillante que par ses feux, un homme peut voir Dieu ; une autre rayonne telle un feu capable d’allumer l’amour de Dieu dans le cœur de son possesseur. » Ensuite, ouvrant leur ballot, ils en sortaient des parties des Écritures, le plus précieux de tous leurs trésors5. La Parole de Dieu est donc le trésor que nous devons chérir.

Il y a d’autres trésors que nous devons également protéger – nos ressources, notre influence, nos talents, et notre temps. La question clé est la suivante : Comment allons-nous garder ces trésors ? Prenons la question du temps, qui constitue un bon exemple.


LE TRÉSOR DU TEMPS

Comment utilisez-vous votre temps ?

Il y a quelques années, la BBC a rapporté qu’un Coréen du Sud âgé de 28 ans était mort après avoir joué à Starcraft pendant plus de 50 heures, avec un minimum de pauses6. Selon les journaux locaux, cet homme, dont le nom de famille est Lee, avait été récemment renvoyé parce qu’il passait trop de temps à jouer à des jeux sur ordinateur. Peu après son licenciement, Lee était allé dans un café Internet dans le sud de la ville de Taegu. Il s’était connecté le 3 août et avait passé les deux jours suivants à jouer à ce jeu. Le vendredi, n’ayant toujours pas de nouvelles de lui, sa mère avait demandé à quelques-uns de ses amis de partir à sa recherche et de le ramener chez lui. Ils l’ont finalement trouvé au café et l’ont confronté. Lee leur a répondu qu’il partirait dès qu’il aurait fini de jouer. Mais quelques minutes plus tard, il s’est effondré. Il a été transporté à l’hôpital, où il est décédé peu après son arrivée. Un agent de la police provinciale de Taegu a dit aux journalistes : « Nous présumons que le décès est imputable à une insuffisance cardiaque résultant de l’épuisement. »

Certains individus s’inquiètent de leur longévité. Mais la façon dont nous utilisons notre vie quoti- dienne est bien plus importante que notre longévité ! Il y a quelques années, une affiche écrite en caractères gras disait : « Il ne vous reste que 24 heures à vivre… », et juste en-dessous, en caractères plus petits : « c’est-à-dire, aujourd’hui. » Les passants qui l’ont lue en ont été bouleversés. Maintenant, imaginez que vous receviez un message disant qu’il ne vous reste que 24 heures à vivre… Comment utiliseriez-vous ce temps ? Que feriez-vous, et que vous abstiendriez-vous de faire ?

Ce que nous faisons durant notre « temps libre » est d’une importance capitale pour notre vie et pour celle des autres. Nous pouvons en faire fortune ou le dissiper. Cela peut former le caractère ou le distordre. Au fond, ce que nous faisons de notre temps révèle notre philosophie de la vie.

Lorsque Thomas Edison était vendeur de journaux dans le train, il faisait escale à Détroit. Bien des jeunes hommes seraient sans doute allés au cinéma ou auraient retrouvé des amis. Edison, lui, allait à la bibliothèque. Les livres qu’il y lisait sont devenus le fondement de bon nombre de ses inventions.

Ainsi donc, comment utilisez-vous votre temps libre ? Même dix minutes peuvent changer les choses. Parce que dix minutes par jour, cinq jours par semaine, totalisent plus de quarante-trois heures dans une année – soit plus d’une semaine entière de vacances ! Mais il y a plus.


LA QUESTION DES PRIORITÉS

Faites l’expérience suivante. Prenez un pot à large ouverture. Mettez-y des cailloux aussi gros que possible. En mettant le dernier caillou, vous vous dites sans doute que le pot est plein. Mais en fait, il ne l’est pas encore.

Ajoutez-y du gravier, autant qu’il peut en contenir. Secouez-le pour que le gravier se loge dans les espaces entre les cailloux. Le pot est-il plein ?

Pas encore ! Versez-y maintenant du sable sec, autant qu’il peut en contenir. Secouez-le doucement, et regardez le sable remplir les espaces entre les cailloux et le gravier. Cette fois, le pot est-il plein ?

Non ! Versez-y maintenant de l’eau jusqu’à ras bord.

Où cet exercice nous mène-t-il ? Prenez un pot semblable, et essayez de le remplir avec les mêmes choses, mais en renversant l’ordre, donc, en commençant par l’eau. Que se passe-t-il ? Même si vous disposez des mêmes quantités, vous n’arriverez pas à mettre tous les cailloux dans le pot.

Notre vie se compose de choix. Il est crucial de commencer par ceux qui sont les plus importants. C’est ce que Jésus voulait dire quand il a dit : « Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu ; et toutes ces choses vous seront données par-dessus. » (Mt 6.33) Jésus appliquait ces priorités dans sa propre vie. Après une longue journée – une journée qui s’était étirée tard dans la soirée, « [vers] le matin, pendant qu’il faisait encore très sombre, il se leva, et sortit pour aller dans un lieu désert, où il pria » (Mc 1.35).

Que faites-vous de votre temps ? Aidez-vous vos semblables à obtenir une vie meilleure ? Faites-vous quelque chose pour vaincre la haine en ce monde ? Changez- vous quelque chose ?

Parfois, nous sommes tellement absorbés par l’urgent que nous manquons l’important. Par conséquent, demandez-vous : « Que puis-je faire en ce jour, en cette heure, en ce moment qui comptera pour l’éternité ? » Le temps est court, incertain, irrécupérable. Faites donc de chaque jour, de chaque heure une occasion de vous rapprocher de Dieu, de vous rapprocher du ciel.


CONCLUSION

Paul a écrit : « Nous portons ce trésor dans des vases de terre » (2 Co 4.7). Il y a un trésor dans notre vie, un trésor que Dieu lui-même nous a donné. Le gar- dons-nous bien ?

Le secret pour bien le garder consiste à le chérir de tout notre cœur. Chérissez-vous le trésor que Dieu vous a confié ? L’ennemi cherche à se faufiler dans votre cœur et à s’emparer de votre trésor. Ne le laissez surtout pas faire !

L’heure est venue de centrer votre vie sur ce qui importe le plus et de préserver votre trésor – votre temps, vos talents, vos ressources, votre influence – en toute sécurité entre les mains de Dieu.

John Wesley Taylor V, titulaire d’un doctorat de l’université Andrews, dans le Michigan, États-Unis, est directeur adjoint du Département de l’éducation de la Conférence générale des Églises adventistes du septième jour, à Silver Spring, dans le Maryland (États-Unis). Son courriel : taylorj@gc.adventist.org

De John Wesley Taylor V
Source : Dialogue 30 (2018/1), p. 9-12


  1. L’histoire d’ouverture est une fiction historique.
  2. Sauf mention contraire, toutes les citations des Écritures sont tirées de la version Louis Segond 1910.
  3. Basé sur Daniel 5 ; Ésaïe 44.28-45.7 ; Jérémie 51.57, 58 ; http:// biblehub.com/commentaries/isaiah/45-2.htm; http://biblehub. com/commentaries/daniel/5-1.htm; http://biblehub.com/com- mentaries/daniel/5-31.htm.
  4. Robert Atchison, « A Romanov Passion for Flowers », 1997. http://www.alexanderpalace.org/palace/blog. html?pid=1213306016379451.
  5. August Neander et Karl Ferdinand Theodor Schneider, General History of the Christian Religion and Church, Bosto, Crocker & Brewster, 1853, vol. 4, p. 612, https://books.google.com/ books?id=b0U_AAAAYAAJ&pg=PA612&lpg=PA612. Également décrit dans La tragédie des siècles, d’Ellen G. White, p. 73.
  6. http://news.bbc.co.uk/2/hi/technology/4137782.stm; http:// starcraft.wikia.com/wiki/Lee_Seung_Seop. Starcraft est jeu de simulation de stratégies militaires en ligne.
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