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L’incarnation donne une valeur et de l’intérêt à notre étude et à notre recherche. Tandis que nous examinons l’incarnation, nous pouvons faire des découvertes ; toutefois notre connaissance reste limitée. Nous poursuivons donc notre recherche et acceptons notre besoin d’humilité et d’érudition dans notre travail parce que nous voyons encore d’une manière indirecte, comme dans un miroir.

Quand j’ai commencé mon doctorat en histoire pré-moderne, l’un de mes mentors universitaires – un chrétien – a prévenu un groupe d’entre nous que si nous ne pensions pas que notre poursuite universitaire était tout aussi importante que les études en médecine le sont pour ceux qui désirent devenir médecin, mieux valait y renoncer. Cette affirmation m’a fait réfléchir. Comment pourrais-je servir Dieu réellement, authentiquement en faisant des recherches universitaires desquelles seulement une poignée de personnes liraient les résultats ou tireraient profit ? Ceux qui se consacrent à des recherches pourraient se poser les questions suivantes : Que faisons-nous ici ? Nous sommes des chrétiens, étudiant et effectuant des recherches sur tout un éventail de sujets. Mais n’y a-t-il pas des gens qui meurent de faim ? Qui périssent faute de connaître l’Évangile ? Ne devrions-nous pas aller sur le terrain et les aider ? Comment justifier notre présence ici, notre quête de données et la réunion d’arguments ésotériques fondés sur des fragments de petites études que nous sommes en mesure de développer ?

Heureusement, nous ne sommes pas les premiers à poser de telles questions. En 1939, tandis que la Seconde Guerre mondiale commençait à déchirer le monde, les étudiants chrétiens du déjà influent C. S. Lewis lui demandèrent comment et pourquoi ils devraient continuer leurs études. Lewis leur répondit que pour un chrétien, il n’y a aucune différence entre vivre en temps de guerre et vivre en sachant fort bien que nous habitons dans un monde qui sera détruit, que nous sommes tous en train, en fait, de bricoler au bord de l’enfer… Dans un tel contexte, comment peut-on penser à autre chose qu’à l’au-delà ? Je terminerai cet essai avec la réponse de Lewis à ses étudiants. Mais tout d’abord, permettez-moi de partager ce que j’ai appris au sujet du discipulat et d’une vie de service par l’intellect.

 

ÊTRE CHRÉTIEN ET VIVRE LA VIE INTELLECTUELLE

Faire de la recherche a fait de moi une meilleure chrétienne. Peu importe que je devienne célèbre, change le cours de l’Histoire, ou convertisse qui que ce soit à ma foi par le biais de mon érudition, mon travail d’historienne a été et est une façon par laquelle je suis mon Sauveur. Par lui, tout ce que nous étudions a de la valeur. Jésus a donné de la valeur à notre monde en se faisant chair, et de ce fait, en y participant. Par conséquent, quelle que soit la discipline que nous étudiions, nous étudions le monde que Dieu a créé. Par l’étude, mon appréciation de notre créateur et de son monde complexe s’accroît.

En d’autres termes, toute étude peut être un acte d’adoration. Lorsque je choisis de consulter Dieu dans mon étude, je le sers en reconnaissant sa personne. Une partie de l’adoration consiste à être attentif à l’Esprit de Dieu et à être à l’écoute de ses directives. Ma pratique de l’étude et de la recherche est utile pour la formation du caractère, car elle exige une attention cruciale de ma part. Le don de l’attention étant un acte d’amour et exigeant de la discipline, il joue un rôle important dans de nombreux aspects de ma vie.

Le savoir exige également que je m’attende à des surprises – à découvrir, par exemple, que j’ai tort sur un événement ou une question que je croyais comprendre. Ainsi, lorsque j’ai commencé à étudier les catholiques britanniques du 17e siècle, j’avais des tas de préjugés contre eux. Mais avec le temps, j’ai découvert que certaines de mes suppositions étaient erronées. Cette découverte m’a enseigné l’humilité. En vérité, le partage de conclusions savantes commande toujours l’humilité, parce que même si je fais une bonne recherche aujourd’hui, une étude future peut m’amener à changer d’avis. Je dois donc effectuer une recherche avec souplesse, en gardant à l’esprit qu’un développement ultérieur est toujours possible. Je peux, certes, publier mes conclusions, sans oublier toutefois qu’elles peuvent ne pas être irréfutables à tout jamais.

Un récent livre de Mark Noll intitulé Jesus Christ and the Life of the Mind m’a amenée à approfondir ma réflexion sur l’érudition chrétienne. Dans son livre, l’auteur attire notre attention sur une histoire qui s’est déroulée lors du ministère terrestre de Jésus. Cette histoire – celle de Marie et de Marthe – montre que parfois, le Seigneur donne aux études approfondies davantage d’importance qu’au service1. Cette histoire n’est pas simplement celle d’une personne qui désire être avec Jésus et d’une autre qui demande d’avoir de l’aide dans ses travaux domestiques2. Marie désirait en savoir plus. En effet, l’expression « assise aux pieds du Seigneur » montre qu’elle était une étudiante. Elle était disciple de Jésus – en devenir, du moins. Lorsque nous choisissons de prendre le temps d’étudier, il s’ensuit que nous n’avons pas toujours le temps de répondre à toutes les sollicitations urgentes de servir.

Noll signale que cette réalité est difficile pour le chrétien, parce que dans notre culture moderne, tout tourne autour du présent, du ici et maintenant. Étudier, c’est se préparer à l’avenir. L’étude a une signification à long terme ; or, nous nous sentons souvent mieux en faisant quelque chose de tangible, quelque chose qui peut se mesurer sur-le-champ. Mais Jésus nous encourage à affronter la réalité que par lui, par Dieu qui s’est fait chair, par l’incarnation, nous pouvons résister à la tendance constante d’investir uniquement dans ce qui se présente immédiatement à nous. Nous pouvons travailler pour le long terme.

 

L’INCARNATION – DES LEÇONS POUR L’ÉRUDIT

L’étude implique un travail laborieux, difficile – on ne doit pas attendre l’éclair de génie, mais plutôt chercher la connaissance et s’efforcer de l’obtenir. Observez bien la façon dont Jésus travaillait avec ses disciples. Les disciples voyaient, entendaient, et touchaient, lit-on dans la première épître de Jean (1 Jn 1.1). Leur formation était expérientielle, expérimentale – et c’est exactement ce que signifie étudier et apprendre. L’incarnation était donc un travail laborieux, difficile, qui prenait du temps. Il aurait été beaucoup plus facile pour Dieu, dans sa transcendance, de se révéler au monde entier radicalement, en un clin d’œil. Mais il a plutôt choisi de se révéler d’une manière « insuffisante » et qui prend beaucoup de temps.

L’incarnation signifie que Jésus était à la fois pleinement Dieu et pleinement humain. Voilà qui est fort dur à comprendre et toujours difficile à étudier. La nature dualiste de Jésus devrait nous enseigner que bien des choses nécessitent une approche sous différents angles. De nombreux sujets comportent tout un éventail de perspectives s’offrant à l’étude. Voilà un aspect de la recherche qui devrait nous enthousiasmer, nous mettre à l’aise avec la vérité se dégageant d’autres éléments de la création – et dans notre esprit, maintenir ensemble leurs modèles paradoxaux (la lumière aussi légère qu’une onde et qu’une particule, l’équilibre entre le libre arbitre ou libre choix et les origines biologiques des actes). Nous ne nous attendrons pas à ce que les choses soient simples – une grande partie de la création de Jésus étant, comme lui, complexe et à plusieurs niveaux. Nous découvrirons des choses principalement en les expérimentant en dehors de notre esprit et de notre tête. En d’autres termes, nous passerons par l’expérimentation. Il faut le répéter : Dieu ne s’est pas révélé principalement par une liste de credo ou de dogmes, mais en tant que personne dans le temps et l’espace. L’incarnation s’est produite dans l’histoire, et des gens en ont témoigné, en ont parlé aux autres, et l’ont consignée. Ce n’est pas quelque chose que nous possédons ou savons, mais que nous expérimentons. Voilà ce qu’est la vie – nos expériences, nos sens, notre interaction avec le monde et ceux qui nous entourent. Et c’est dans ce monde et cette vie que Jésus est venu et a témoigné.

Par l’incarnation, le monde matériel et physique que nous étudions gagne en dignité : les domaines de la biologie, des sciences chimiques, et de l’ingénierie nous donnent des connaissances valables – même les structures et les bâtiments sont importants pour le monde que Dieu a visité en la personne de son Fils. Par la rédemption, nous avons le potentiel de trouver des délices dans ce monde matériel et dans l’engagement humain. Par l’incarnation, l’étude de la culture humaine – les sciences sociales, les systèmes de pensée, la politique – a de la valeur et de l’intérêt. Nous comprenons aussi, tout comme nous le comprenons avec l’incarnation, que nous pouvons découvrir des choses ; cependant notre connaissance reste limitée. Nous poursuivons donc notre recherche, et acceptons notre besoin d’humilité et d’érudition dans notre travail parce que nous voyons encore d’une manière indirecte, comme dans un miroir.

Jésus étant un être humain particulier ainsi que le Dieu universel, la particularité et la personnalité humaines sont dignes d’être étudiées. Nous pouvons ainsi prendre plaisir aux humanités, à l’histoire, et à la psychologie. Nous tenons entre nos mains la dichotomie suivante : les êtres humains sont à la fois faibles et brisés, mais ils sont rachetés, et ont, par conséquent, de la valeur. Nous ne nous attendons pas à étudier nos semblables et à découvrir l’unique loi pour tous les temps par rapport à la façon dont les êtres humains devraient être dans le monde, à la façon dont la société humaine est construite. Par contre, nous pouvons découvrir des vérités particulières qui s’avèrent fort utiles. Sans découvrir la solution qui résout toutes choses, nous pouvons scruter quelque chose de petit et extrapoler là-dessus de façon généralement utile.

Mais revenons à C. S. Lewis, cet érudit chrétien remarquable du 20e siècle, et à la façon dont il a encouragé ses étudiants à investir dans la recherche et dans l’étude. Dans un sermon intitulé « Learning in War-Time » [« L’apprentissage en temps de guerre »], prêché à Oxford en 1939 alors que la Seconde Guerre mondiale éclatait, il souligna que la guerre révélait simplement ce que le monde a toujours été et sera toujours – c’est là la véritable nature de ce que nous sommes vraiment. Avouons que c’est plutôt moche et ennuyeux… À titre d’exemple, Lewis évoqua son expérience en tant que soldat lors de la Première Guerre mondiale. Lorsqu’il se joignit à l’armée, il pensait que tout ne serait qu’ex- citation et combat. Il découvrit que la majeure partie de la guerre n’était, au contraire, que frustrations insignifiantes et monotonie. Ayant dit cela, il en tira l’importante conclusion suivante : les pasteurs découvrent la même chose – ils pensent qu’ils vont passer leur temps à secourir les âmes, mais la plupart du temps, ils s’affairent à organiser des réunions d’Église, des événements sociaux et à donner de la visibilité à l’Église dans un stand de l’exposition locale. Cependant, l’érudition et le travail culturel doivent être faits, même dans ces situations, pour le bien à long terme de notre propre âme et pour les sociétés dans lesquelles nous vivons.

L’argument de Lewis est puissant : tout l’univers est l’œuvre de Dieu – il n’y a donc aucune séparation réelle entre le profane et le sacré : « Si nous pensons construire un ciel sur la terre [par notre érudition], si nous cherchons quelque chose qui fasse basculer le monde actuel d’un lieu de pèlerinage à une cité permanente qui satisfasse l’âme, nous serons déçus, et très rapidement. En revanche, si nous pensons que pour certaines âmes parfois, une vie d’érudition humblement offerte à Dieu constitue l’une des approches convenues de la réalité et de la beauté divines dont nous espérons jouir dans l’au-delà, alors nous pouvons continuer à entretenir cette pensée3. »

Et ce, en dépit de la guerre, de la technologie galopante, ou de l’imminence de la fin des temps.

Mon investissement dans l’étude et la recherche, laborieuses et parfois ingrates, faites à la gloire de Dieu, est aussi important pour lui que le service que je rends à ma collectivité en cuisinant pour un repas communautaire, en accueillant un jeune sans-abri, ou en donnant une étude biblique. Cet investissement honore Dieu et son monde, et m’en fait découvrir davantage sur le Dieu incarné que je révère.

Lisa Clark Diller, titulaire d’un doctorat de l’université de Chicago, est professeur d’histoire pré-moderne à l’université adventiste Southern, à Collegedale, dans le Tennessee (États-Unis), où elle enseigne et fait des recherches sur les minorités religieuses et les idées politiques des 17e et 18esiècles.

 

De Lisa Clark Diller
Source dialogue.adventist.org/fr/2625/trouver-jesus-dans-les-archives

  • NOTES ET RÉFÉRENCES
  1. Mark A. Noll, Jesus Christ and the Life of the Mind, Grand Rapids, Mich., Eerdmans, 2011, p. 51.
  2. _________, « Jesus Christ and the Life of the Mind », Lecture, Intervarsity Midwest Faculty Conference, Cedar Lake, Michigan, 16 juin 2012.
  3. C. S. Lewis, « Learning in War-Time », sermon prêché en automne 1939 à l’église universitaire Sainte-Marie-la-Vierge, à Oxford, en Angleterre. Voir dans Lewis, The Weight of Glory and Other Addresses, Grand Rapids, Mich., Eerdmans, 1965, p. 63.
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