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SA GRÂCE ME SUFFIT

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« Tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière » (Ge. 3.19). Des bruits sourds résonnent comme des coups de tonnerre tandis que les mottes de terre jetées avec chagrin frappent le cercueil, à peine descendu, dans lequel gît mon tendre père. Un sentiment d’irrévocabilité m’envahit. Soudain, comme sur un écran de cinéma, la quarantaine d’années de ma vie défile devant moi, s’arrête momentanément sur des événements particuliers et sur des gens qui y ont joué un rôle important.

Sur ces plus de quarante années, huit se sont passées aux États-Unis d’Amérique – à des milliers de kilomètres d’ici. Quand j’ai quitté la maison, mon père était la force de ma vie. Maintenant, il repose ici, froid, inanimé, distant. Ses rêves d’un fils prospère – d’un fils qui peut se charger des responsabilités de la famille, d’un fils qu’il sera fier d’appeler son fils – sont ensevelis avec lui. J’étais sa vie, mais que lui ai-je donné ? Qu’ai-je donné à ma mère ? Chagrin, douleur, solitude, ingratitude ! Rien qu’à y penser, j’en suis pétrifié. La douleur est trop lourde à porter… Le vide, l’abîme, menacent de m’aspirer. Quand ai-je bien pu mal tourner ?

Mes pensées me ramènent alors en arrière. Je suis né au sein d’une famille adventiste dans la partie sud de l’Inde. J’ai appris à aimer Jésus grâce aux histoires que ma mère me racontait – des histoires de la Bible, des histoires de missionnaires bravant les dangers, de missionnaires dépendant de la puissance et de l’amour infaillibles de Dieu. Des images d’un Jésus personnel, rempli de tendresse, d’un Jésus qui pouvait aussi être mon ami, se sont gravées de façon indélébile dans mon jeune esprit. Très jeune, j’ai appris à prier et à partager mon petit monde avec Jésus.

Débordants d’amour pour moi, mes parents étaient toujours attentifs à mes besoins. Enfant unique, j’étais le centre de leur monde, de leurs espoirs, de leurs rêves. Mais comme ils étaient issus d’un milieu très différent, ils ne s’entendaient pas toujours sur les plans culturel, éducatif, et spirituel. En exprimant devant moi leurs divergences, ils ont sapé peu à peu la paix et la sécurité de l’atmosphère familiale. Pour compenser, ils ont souvent fait des compromis avec la discipline et satisfait mes demandes. L’effort de ma mère pour maintenir le lien entre Dieu et moi était atténué, hélas, par la complaisance spirituelle de mon père. Quelque part entre mes tentatives d’échapper à cette déplaisante réalité et à la pression constante de mes pairs, j’ai lâché la main de Jésus (heureusement, lui, n’a jamais lâché la mienne !).

Mon adolescence turbulente a connu des creux prolongés et des pics de courte durée, la lumière de l’amour de Dieu jaillissant lors de moments et d’événements imprévus dans ma vie. C’était comme si Jésus savait exactement quand j’atteignais le point de rupture ! À ces moments précis, il touchait mon cœur par des gens, des semaines de prière, et des prières exaucées. J’ai étudié dans un institut d’enseignement supérieur où foisonnaient les activités académiques, sociales, et spirituelles… Mais ma dégringolade avait déjà commencé. Mes notes ont chuté. Désabusé, je me suis rebellé. Avec du recul, je réalise que j’ai commencé à blâmer Dieu des nombreuses situations négatives de ma vie. J’ai passé des heures à regarder des films au cinéma et à lire des romans. J’ai fréquenté des amis peu recommandables. Mes professeurs m’ont écrit. Abasourdis, troublés par ma spirale descendante, mes anciens amis discutaient avec compassion de ma situation.

Ce qui est extraordinaire, c’est qu’à travers les nombreuses phases – souvent douloureuses – de ma vie, Dieu ne m’a jamais laissé tomber. Il n’a jamais cessé de me parler dans ce vent doux et léger, d’éclairer mon monde ténébreux des rayons de son amour incomparable qui me cherchait et m’acceptait dans ma misère. Après le secondaire, je me suis inscrit – à la grande surprise de beaucoup ! – au programme de licence en théologie, à l’université Spicer Memorial, à Pune, en Inde. On dirait bien que le Saint-Esprit n’en avait pas fini avec moi ! Ce Jésus étonnant créait des situations lui donnant l’occasion de se révéler lui-même à moi. Malheureusement, au lieu de regarder en haut, j’ai regardé en moi et autour de moi, au point de perdre foi en mon divin ami et en l’Église. À Spicer Memorial, j’étais le plus jeune de la première classe d’étudiants inscrits au programme de maîtrise. Mais pour moi, tout n’était que pure routine. Je n’avais qu’une envie : échapper à cette servitude et démarrer une nouvelle vie. La religion, me suis-je dit, ne donne pas les résultats escomptés. Plus on s’efforce de la suivre, plus on échoue. Ou bien on fait semblant de réussir, ou alors on se décourage et tombe dans le désespoir. Jésus, mon ami d’enfance, n’est devenu qu’un concept, un personnage que j’avais étudié et dont j’avais parlé. Il m’était même arrivé de participer à des débats à son sujet ! Ma vie a pris un mauvais tournant. Je me suis mis à combler le vide intérieur qui me tenaillait par des relations et des activités qui, je le savais, étaient déconseillées.

C’est à ce moment désastreux de ma vie que je me suis rendu aux États-Unis. Dans mon état spirituel et émotionnel, c’était sans doute la pire décision à prendre que de naviguer sur les mers inexplorées de la vie ! Dans un pays regorgeant d’opportunités de faire le bien, le mal ou le lamentable, combien il était facile et agréable pour moi de me livrer aux deux derniers !

Pour saisir l’essence de ces huit années que j’ai passées aux États-Unis, disons qu’elles étaient remplies de journées de dur labeur, de fêtes frénétiques, et d’une quête futile de l’amour qu’enfant j’avais connu – l’amour de Jésus, mon ami d’enfance. Futile, dis-je, parce que je le cherchais à travers les relations humaines. L’Église ? C’est à peine si j’y pensais. J’étais loin d’avoir la merveilleuse Parole de Dieu à l’esprit. Le Dieu créateur et son sabbat, la joie de ma vie autrefois, ne signifiaient maintenant rien, absolument rien pour moi.

Un matin – à trois heures – j’ai reçu un coup de fil. Mon père était mourant ! Voulant l’accompagner jusqu’à son dernier souffle, je me suis envolé pour l’Inde deux jours plus tard. On s’attendait à ce qu’il meure sous peu, mais il s’accrocha à la vie. Alors, au lieu de retourner aux États-Unis, j’ai décidé de remplir mes obligations envers mes parents. Je me suis trouvé du travail sur place. J’ai vécu dans le pays de l’incertitude, sachant bien que le cancer finirait par l’emporter.

Il y a quelques jours, mon père a fermé les yeux. La souffrance de la séparation a été si intense que je ne suis pas retourné travailler pendant presque trois semaines. Mon employeur, lui, ne l’a pas entendu de cette oreille et m’a renvoyé.

J’étais abasourdi ! La double perte du présent, les traces de souffrance si apparentes sur le visage de ma mère, et l’incertitude face à notre avenir m’ont jeté dans une réflexion personnelle intense. C’est à ce moment de péril que la promesse de Jésus, qui ne faillit jamais, l’a emporté sur moi. Du sein de la tempête qui faisait rage dans mon cœur, Jésus, mon ami d’enfance, m’a demandé : « Où es-tu allé ? »

À ce moment-là, son Esprit m’a inspiré deux pensées : quelle sorte de vie est-ce que je désire ? Une vie où seule la réussite terrestre compte ? Ai-je vraiment donné une chance à Dieu ? Il ne m’a pas fallu longtemps pour me décider à donner ma vie à Jésus. Ma décision était prise : je ferai ce qu’il m’ordonne. C’est ainsi qu’a commencé un nouveau parcours de foi et d’engagement envers mon ami qui est le même hier, aujourd’hui, et éternellement. J’ai renoncé au moi ! Mettant ma main dans celle de Jésus, et plaçant mon cœur sous sa garde, mon parcours avec lui a pris un nouveau départ.

La première partie de ce parcours a commencé par la lecture des merveilleux livres Vers Jésus et Jésus-Christ. J’ai retrouvé mon premier amour pour Jésus. J’ai fait l’expérience de son pardon. Je me suis étonné – et ne cesse de m’étonner – en voyant à quel point sa justice me suffit pour me donner la vie jusqu’à son retour, à moi, « le premier des pécheurs » ; à quel point elle a couvert mes odieux péchés et m’a réconcilié avec le Père ; à quel point elle a conduit mon père à faire l’expérience de la conversion peu avant sa mort, et transformé ma mère fière, volontaire, en une grand-mère douce, humble, craignant Dieu et attendant avec impatience le retour de Jésus ; à quel point elle m’a béni avec une tendre épouse et deux magnifiques enfants. Mais le plus étonnant, c’est de voir à quel point Jésus me couvre miraculeusement de sa robe de justice, par le Saint-Esprit. II crée en moi le désir de la revêtir et me rend capable de l’aimer en actes.

Tandis que Dieu continue de faire de ma vie quelque chose de merveilleux, je me rends compte jour après jour que je suis ce que je suis grâce à la personne qu’il est. C’est à lui que « nous devons même la vie terrestre. Le pain que nous mangeons nous a été acquis au prix de son corps rompu. L’eau que nous buvons a été payée de son sang répandu*. »

À Dieu soit la gloire ! Sa grâce me suffit !

Philip Sargunam est un éducateur adventiste. Il est actuellement directeur principal du développement de produits dans l’entreprise Manipal City and Guilds Private Ltd., à Bangalore, en Inde.

* Ellen G. White, Jésus-Christ , p. 664.

Source : http://dialogue.adventist.org/fr/2291/sa-grace-me-suffit

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